mardi 30 novembre 2010

la honte...


D’aussi loin que je puisse remonter, j’ai toujours ressenti la honte d’être moi-même. Ma mère ayant beaucoup d’apprentissages sociaux à faire, elle m’a élevé dans un contexte de culpabilité. J’étais coupable de tout. J’étais un fardeau pour elle qui devait travailler sans relâche pour veiller à la santé financière de notre « famille ». Aujourd’hui, je sais que c’était son choix de vivre ainsi. Je peux comprendre qu’elle n’était pas outillée mais je n’arrive pas à saisir pourquoi elle n’est pas allée chercher des ressources. La table était mise pour ce qui m’attendait plus tard : les agressions. Je me laissais injurier parce que je pensais qu’ils avaient raison. Je me laissais bousculer parce que je croyais fermement que je ne vais rien. Pendant les agressions, j’ai d’abord lutté puis j’ai abandonné car j’étais convaincue d’être née sous une mauvaise étoile. Toutes les méchancetés que l’on m’a dites ont développé chez moi la honte du plaisir. Manger, être touchée, recevoir de l’affection, savourer une douce mélodie, tout ce qui m’apporte du plaisir me fait honte. En public, j’apprends à laisser mon rire s’échapper, à exprimer mes satisfactions. J’ai peur qu’on me critique, qu’on me juge, qu’on me rabaisse. Je dois me conditionner chaque jour afin de nettoyer les pensées toxiques qui me harcèlent. Malgré tout, les jours où je suis plus vulnérable, plus fatiguée, elles reviennent en force.

Les agressions ont aussi développé chez moi la honte de mon corps. À l’époque, il n’y avait aucune raison. J’avais un poids santé. Avec le temps, la boulimie leur a donné raison. Je suis devenue ce qui me faisait le plus peur : une femme dont l’obésité morbide fait honte à quiconque la côtoie. Avant les agressions, j’étais très sportive. Après, je me suis refermée sur moi-même et j’ai cessé tous les sports pour m’enfermer avec mon seul véritable ami, mon piano. Même lui, je n’arrivais pas à l’apprécier à sa juste valeur parce qu’il m’était imposé par ma mère qui avait toujours rêvé de jouer du piano.

Ces souvenirs me tordent le ventre de douleur. Les humiliations innombrables ont pénétré au fond de mon être où je me suis ensevelie. Je n’y vois plus clair. Cet état d’esprit est tellement fusionné à moi que même si on me dis le contraire, je me vois hideuse au-dedans comme au-dehors. La honte m’a amené à prendre de moins en moins soin de moi. Peigner mes cheveux, choisir mes vêtements est pour moi un véritable calvaire. Parfois, dans un élan de lumière, je me motive à le faire même si souvent cette résolution fond comme neige au soleil. C’est cet élan qui m’a poussé à consulter, à écrire ce blog, etc… Je souhaite de tout cœur que cette fois c’est la bonne. Peut-être je reculerai un peu lorsque la douleur sera trop forte mais je suis déterminée à traverser cette vallée sombre car je sais à quel point le paysage sera magnifique de l’autre côté. La liberté m’attends. Je dois juste m’en rappeler.

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